Cette France rurale qui a tant à dire - OF 7/12/18



07/12/2018

Textes : Yves-Marie ROBIN. Photos : Thierry CREUX. 



Ils sont ouvriers, auxiliaires de vie, retraités… Ils vivent à Gourin, Langonnet, Roudouallec, entre Morbihan, Finistère et Côtes-d’Armor. La colère des Gilets jaunes y est forte. Les petits salaires sont nombreux. 

Reportage 

C’est leur terre, loin des grandes villes et des réseaux téléphoniques 3 ou 4G. Elles sont nées ici, y ont grandi et fondé une famille. Comme leurs grands-parents et parents, elles sont farouchement attachées au Centre-Bretagne. 

« On espère que nos enfants s’y sentiront bien. Mais leur avenir nous fait peur… » 

Roseline et Sandrine ont 32 ans. La première habite Langonnet, à droite après le cimetière. La seconde, Gourin, à quinze minutes de voiture à travers la forêt. Toutes deux sont auxiliaires de vie. « Un métier choisi. » Elles travaillent auprès des personnes âgées et handicapées. « C’est du maintien à domicile. » Préparation des repas, toilette, ménage, courses, promenade, coucher… Le temps est rythmé et compté. « C’est du 8 h - 20 h. On fait 100 km lors des petites journées… avec ce fichu 80 km/h. » « Le mouvement prend de l’ampleur. On est soutenu. Ici, les petits salaires sont majoritaires. »  Salaire ? 1 300 € pour Roseline tout compris. 680 € pour Sandrine, à mi-temps. « Treize ans d’ancienneté, un diplôme, mais la paie ne bouge pas. » Alors, elles scrutent les moindres dépenses. « Avec le salaire de mon mari, après les factures, il nous reste 700 € pour les courses, l’essence… », se désole Roseline. C’est donc le système D. « Une tondeuse pour couper les cheveux de mes gars. Les vêtements, on les use ou on fait du troc… » « On est les grands oubliés de la France » Même si elles n’iront jamais tout casser à Paris, leur « ras-le-bol » est profond. Sandrine et Roseline enfilent donc, de temps à autre, leur gilet jaune. Comme d’autres, elles réclament davantage de pouvoir d’achat. « J’invite Macron à venir faire Vis ma vie une journée. Il verra nos difficultés, s’emporte Sandrine. Quand je vote maintenant, c’est bulletin blanc […] Les mensonges, y en a marre ! » Cet hiver, chacune de leur côté, les deux copines s’accorderont un extra, malgré tout : une semaine de ski en famille. Le fruit de plusieurs années d’économie, sans prendre de vacances l’été. « On est les grands oubliés de la France, nous les petits salaires, mais on a quand même le droit de vivre ! » 

Depuis samedi, c’est également à la sortie du Gourin, sur un rond-point, que les petits salaires, les retraités et les sans-emploi manifestent leur colère. Ils occupent les lieux de 10 h à 19 h 30, ralentissent un peu la circulation, offrent des chocolats aux automobilistes. L’ambiance est bon enfant. 

Nathalie

On y croise Nathalie, chauffeur livreur de 49 ans, 1 200 € de salaire ; Gérard, 67 ans, retraité outré par la hausse de la CSG ; ou encore Arnaud, 37 ans, métallier ne travaillant pas en ce moment. « Le mouvement prend de l’ampleur. On est soutenu. Ici, les petits salaires sont majoritaires. Les gilets jaunes s’affichent en nombre sur les tableaux de bord des voitures et des camions. Quand on gagne le Smic et qu’on doit faire trente ou quarante bornes pour aller bosser à l’usine, c’est de la survie. C’est ça la réalité du Centre-Bretagne ! » 
Bernard a aussi un gilet jaune dans le cœur. Mais à 81 ans, les manifestations ne sont plus de son âge. Et pourtant, il est en colère. Lui, l’ancien combattant d’Algérie en a « gros sur la patate », en veut au président de la République et à tous ceux qui l’ont précédé. « J’ai offert trois ans de ma vie à la France et je ne touche que 900 € de retraite. Et en plus, il y a la CSG ! J’ai six petits-enfants. Pour Noël, on économise toute l’année. Vous trouvez ça normal ? La France ne nous rend pas ce qu’on lui a donné. » 

ENGAGEMENTS

Ce blog n'a aucune vocation commerciale.
Les textes & images sont présumés libres à la
publication:
Si, néanmoins, leur diffusion était susceptible
de porter atteinte à quelques droits que ce soit,
contacter pour suppression immédiate ou maintien
après accord: