HistoRia - L'arbre revient au secours des cultures



24/11/2018 




L’arbre est au cœur de l’exploitation agricole, dont le moteur est bien un sol vivant. 

Les agriculteurs sont de plus en plus conscients de la valeur économique des haies et du bocage. 

Les haies sont un très précieux auxiliaire de l’élevage. Les Bretons, premiers éleveurs de France, le savent bien, eux qui bénéficient d’un bocage relativement préservé. 

Les Côtes-d’Armor - comme l’Orne - sont l’un des départements restés les plus bocagers de France : 35 000 km de haies aujourd’hui, soit 15 km de haies pour 60 ha (la taille moyenne des exploitations bretonnes). « Ceci représente 300 mètres linéaires de haies par hectare »(1), calcule Catherine Moret, responsable du milieu aquatique et du bocage pour la communauté de Lannion-Trégor. 
Certains secteurs, tel le pays de Dinan, ont connu « un effondrement total » avec seulement 20 m de haies par hectare… « Ceci explique tous les problèmes qui en découlent : épuisement des sols, érosion galopante, voire décapage avec les épisodes récents de grandes crues répétées, effondrement de la biodiversité… La haie apporte une biodiversité qui n’est pas que patrimoniale, elle est aussi fonctionnelle et vitale pour l’agriculture », insiste Yves Gabory, directeur de la Mission bocage en Anjou. Ces multiples rôles et enjeux de l’arbre et du bocage étaient au centre du congrès national de l’Afac-agroforesteries (2), qui vient de se dérouler à Lannion (Côtesd’Armor). La prise de conscience opère, « quelques exploitants commencent à replanter de véritables haies, utiles à la fertilité des sols ». Pour l’élevage, le rôle précieux du bocage est bien compris de tous. Mais pour les cultures, à qui la haie ferait de l’ombre ? Les études françaises et canadiennes démontrent qu’au centre du champ « les rendements sont supérieurs de 20 % à 30 % », répond Catherine Moret. 

« L’arbre est l’atout de demain » 

C’est vrai pour les prairies des vaches laitières. « Mais aussi pour les céréales ! Les haies les protègent du vent, de la sécheresse », insiste Yves Gabory. Pour les grandes plaines céréalières, on a choisi des variétés à la productivité très forte. Mais, avec les évolutions du climat, les plantes sont aujourd’hui en souffrance. « On vient de le voir avec des épisodes successifs d’échaudage des blés. » En revenant à des variétés plus larges, « protégées par les haies, on restaure un sol vivant, on maîtrise le climat de la parcelle ». Le paysage bocager est né « de la Révolution française », rappelle Catherine Moret. Son apothéose, au début du XX , est laminée par une autre révolution, agricole et mécanique celle-là, au cours des années 1950. Suivie du grand remembrement, qu’a ensuite beaucoup regretté son auteur, Edgard Pisani lui-même… Marche arrière toute, aujourd’hui. Depuis 2015, la Pac protège arbres et bosquets. « Ce n’est plus un choix, c’est une obligation. Mieux vaut prendre conscience que l’arbre est l’atout de demain de l’agroécologie. » Y compris un atout économique : un arbre entretenu donne du bois d’œuvre, bien valorisé. Sous l’impulsion de l’Afac, dès l’an prochain, un label national sera créé pour la gestion durable des haies. Le plan national de développement de l’agroforesterie, lancé lui aussi en 2015, impose désormais aux lycées agricoles d’enseigner ces atouts des haies vivantes. L’arbre revient au cœur de l’exploitation. Dont le moteur est bien un sol vivant. « Aux agriculteurs d’en être les acteurs de demain. Aujourd’hui, c’est à demi gagné », se félicite Catherine Moret. Le modèle agricole breton, longtemps ostracisé pour les dégâts causés à la qualité de l’eau, est désormais cité en exemple : la Bretagne est même devenue la meilleure élève de l’Europe dans ce dossier. Christophe VIOLETTE. 
(1) Un hectare représente 10 000 m , soit l’équivalent de deux terrains de football. (2) L’Association française Arbres Champêtres et Agroforesterie réunit 221 structures adhérentes (chambres d’agriculture, associations, communes, entreprises, etc.) ainsi que des individuels. 

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Jean-Yves Morel préside l’association L’Arbre indispensable.

24/11/2018 Ouest-France 

« L’arbre paye amplement son loyer » 

« D’ici trente ans, ce faux « bocage » aura disparu. » Depuis sa maison à Iffendic (Ille-et-Vilaine), Jean-Yves Morel balaie du bras le paysage hérissé d’alignements d’arbres taillés « à ragosse » (1) qui bordent presque tous les champs. D’aucuns trouveront le panorama joli. « Mais ce ne sont pas des haies. On n’y trouve que des arbres adultes. Lorsqu’ils mourront, il n’y aura pas de régénération. » Autour de sa maison et de l’atelier où le postier en retraite est aussi charpentier menuisier-ébéniste, les haies de Jean-Yves comportent un fossé pour drainer l’eau, un talus pour enraciner les arbres, des essences locales diversifiées, des arbres de toutes les générations, parés à se succéder pendant des décennies. 

Militant, amoureux et érudit 

Le président de l’association L’Arbre indispensable est un militant, un amoureux et un érudit de cette « forêt linéaire ». Ce n’est pas la mort de l’arbre qui lui fait de la peine. « Un grand arbre doit être abattu pour que les plus jeunes se développent. »  

D’autant plus que les beaux chênes ou châtaigniers entameront une seconde vie. « C’est dans les haies, proches, plus que dans les forêts, lointaines, que l’on faisait pousser ce qui allait fournir les poutres des maisons, des églises ou des châteaux. » Ces arbres de haies, plus exposées à la lumière, poussent d’ailleurs 40 % plus vite qu’en forêt. Quant aux cormiers, merisiers, poiriers et autres « fruitiers précieux », ils deviendront tables, armoires, coffres ou lambris. « Oui, la haie prend un peu de place dans les terres agricoles. Mais en plus des atouts du bocage, l’arbre paye amplement son loyer. Si bien sûr on ne gaspille pas le potentiel de bois d’œuvre en bois de chauffage. » Ce qui abat Jean-Yves Morel, c’est que « l’on continue encore à araser des haies en Bretagne et en France alors que l’Europe l’interdit clairement depuis le 1 janvier 2015 ! » 
Et aussi que les efforts de réimplantation de haies se fassent « trop souvent sans respecter ce qui doit constituer une haie ni obéir à une logique d’ensemble de bassin-versant ». 
 (1) Dont toutes les branches sont taillées chaque année.

André THOMAS.

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