TEMPÊTE DE 1930 | EN SOUVENIR

Robert LAROCHE (1893-1932)  La sortie des thoniers
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Dans quelques jours, nous nous souviendrons de la tempête de 1930, non pas, bien sûr,  pour l'avoir  connue mais pour avoir entendu et re-entendu, enfants, les récits des anciens en fin de repas, récits qui sentaient la peur parce qu' il y eut un avant et un après: les marins avouaient leur peur rétrospective, certains d'entr'eux quittèrent le métier et, plus tard, devenus grands-pères, ils baladaient leurs petits-fils dans les bois plutôt que sur le port, pour rien au monde, ils n'auraient voulu à ce moment là qu'ils deviennent marin.
En souvenir, je vous propose, entr'autre, deux articles qui m'ont particulièrement ému: ce pardon de Saint Cado où les nouvelles arrivent pendant la cérémonie et où les familles partent précipitamment en pleurs et ce récit du patron du SAINT LAURENT ...terrible...je n'ose pas vous dire bonne lecture...

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VOIR 👉 PARDON SAINT CADO






Ici tempête 49...
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LE THONIER D'ETEL « SAINT-LAURENT » DANS LA TEMPÊTE DE SEPTEMBRE

OUEST ÉCLAIR DU 27.11.1930

Deux mois sont passés, d'autres misères sont venues et déjà on a quelque peu oublié le grand deuil qui frappa nos populations côtières.
Nous nous en voudrions de ne pas publier, cependant, la relation émouvante dans la simplicité de la lutte qu'eurent à soutenir, contre les éléments déchaînés, quatre pêcheurs d'Etel.
Ce récit est à la fois un hommage à la vaillance de nos braves marins et à leur esprit d’entraide et de solidarité. 
"Le 18 septembre, me trouvant dans le W. 1/4 N. W. de Penmarch, à environ 300 milles, le bateau à la cape sur deux ris. la corne amenée a deux mètres du gui, la caillorne [Palan] dans les racles, embraquées à bloc; le tourmentin en dedans des ferrures du bout-dehors et ...sous le vent de la draille, le bâtiment naviguait comme un oiseau. Les vents étant de la partie du Sud, nous faisons cap au large, la mer grossit à vue d'oeil.
A 9 h. 80. les vents passent au S.W: c'est à ce moment que nous recevons ce qu'on peut appeler une lame sourde qui nous démolit les fargues et les membrures au ras du pont depuis trois mètres de l'avant jusqu'à l'arrière, nous enlevant un tangon. Par bonheur, personne n'était sur le pont. A ce moment, nous y sautons tous en vitesse. Quel sale coup d’œil, que faire ? Le bateau prend de l'eau par ses hauts.
Nous dégageons le pont en vitesse, toujours, et laisse porter vent arrière pour mettre en fuite. La grand' voile et le tourmentin sont à ramasser, avec une furie de temps pareil, c'est très dur enfin, après une couple d'heure de travail, tout est à peu près en ordre gui et corne bien saisis en abord.  Maintenant, il faut lutter contre la mer pieds nus pour ne pas glisser sur le pont: têtes nues, sans cirés, nous sommes a deux amarrés à la barre et présentons arrière à la lame pendant que nos deux autres camarades pompent de toutes leurs forces; l'eau étant sur la plate-forme augmente vite. La nuit arrive sur nous, le vent souffle de plus en plus fort, la mer ne peut être plus grosse, les éclairs tombent sur l'eau de tous les bords. Nous naviguons à l'aventure, arrière à la lame les vents ayant remonté, la route est bonne. Triste nuit dans la tempête, sans manger ni boire, personne n'a le courage d'aller tirer un litre de vin, on est dans l'attente de la lame fatale qui doit nous engloutir pour toujours. L'eau augmente, le bateau devient lourd et reçoit les trois lames l'une après l'autre, nous sommes noyés par la mer Il faut mettre un peu de toile dessus pour le faire mieux se comporter, cul à la lame. On établit le tourmentin en travers, le bâbord tribord, au ras du pont.
Enfin, voilà le jour on prend courage, mais le plus dur, c'est quand il faut reprendre la nuit. Le temps est toujours le même sans la moindre embellie, la mer brise à blanc de tous les bords Il n'y a pas de vue avec la pluie et la grêle qui tombent. Nuit terrible dans la tourmente.
Nous sommes rendue au 20, le vent a calmé un peu, on approche de terre mais la mer reste démontée et l'eau augmente toujours bord, plus le bateau s'alourdît.
Voilà la nuit, le troisième foc est dessus et la trinquette à deux ris, il y a assez de toile.
A 22 h. 30, nous apercevons le feu de Penmarch droit devant nous irons nous Jusqu'à lui ? Non, le bateau s'enfonce à vue d’œil et il faudra réfléchir encore une fois.
Les bouées de sauvetage?  II est impossible d'en trouver une, tout étant démoli à l'intérieur du bateau nous pouvons trouver un seul aviron. Maintenant, il faut aller au canot et veiller sur le moment où il sera vide pour le mettre à l'eau enfin; la manœuvre est réussie, un homme embarque à bord.
Le tangon qui nous reste est débridé, les bras sont coupés, prêts à laisser tomber.
Le bateau ne gouverne plus en route, il cherche à venir en travers, ce qui va être mauvais. La barre est amarrée à bloc au vent, on dispose le grand foc pour essayer de le faire abattre, c'est le dernier moyen.
Peine inutile, au lieu d'abattre sous le vent, il s'avachit avec sa charge d'eau et coule en moins d'une minute. Aussitôt, mes deux matelots sautent à la mer par le travers des haubans de l'avant, le troisième coupe la bosse du canot qui menace de couler après le grand bateau, puis godille vers le remou du bord.
» Moi, ne sachant pas nager, je me débats dans la mer démontée: Je coule. Je remonte à la surface, Je bois de l'eau: pendant ce temps-là. un de mes matelots réussit à embarquer dans le canot, le deuxième se raccroche à l'arrière et dit à ses collègues "Sauvez Julien", moi, je tiendrai comme ça 
C'est avec beaucoup de difficultés qu'ils réussissent a m'attraper,  je passe deux fois sous l'embarcation, la troisième je suis péché par les cheveux, j'étais rendu. L'autre bonhomme est embarqué ensuite. Nous voilà tous les quatre ensemble encore une fois, mais ce n'est pas le tout, il faut toujours gouverner arrière à la lame: un seul est capable d'entreprendre ce travail, les trois autres n'en peuvent plus :seul il gouverne pendant environ quatre heures consécutives nous, nous vidons l'eau comme nous pouvons, à moitié morts au fond du canot. Vers 6 heures du matin nous apercevons un feu c'est un thonier, va-t-il nous voir ?oui, le jour vient. Nous mettons debout à la mer pour l'attendre.
C'est le "Grand Quai", de Concarneau, qui va enfin nous sauver.
Malgré qu'il est assez dégréé,  lui aussi il réussit à nous Jeter une touline. Nous sommes hissés bord l'un après l'autre; là, nous pouvons dire nous sommes sauvés.
Nous avons vu ces braves camarades. après avoir mis a la cape, descendre tous dans la chambre, chacun prenait son sac. ils se dégréaient même de ce qu'ils avaient sur le dos pour nous donner du linge sec.
Le mousse arrivait avec sa bouillotte de thé chaud: tout était pour nous.  
Il nous est impossible d'oublier ces hommes qui nous ont sauvé la vie. 
Quelques temps après, nous rentrions Concarneau.
LE GUEN.

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Le ministre et le mousse

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Voilier d'Etel dans la tempête

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