Golfe du Morbihan. L’assaut des espèces exotiques



19/12/2018
François de Beaulieu


HistoRia : Article intéressant, pouvant concerner golfes et rias
Les huîtres que certains consommeront pendant les fêtes sont au cœur d’un des aspects méconnus de la mondialisation, la présence de multiples espèces exotiques sources de déséquilibres pour la biodiversité. 

Le point avec Auguste Le Roux, un expert en la matière. 

Après avoir été un des piliers de la station de biologie marine de Bailleron, au cœur du golfe du Morbihan, Auguste Le Roux a pris sa retraite d’enseignant-chercheur sur les rives de la petite mer. Il vient de publier un inventaire des espèces exotiques qu’il a pu observer et nul mieux que lui ne peut nous éclairer sur un espace qu’il observe depuis près de soixante ans.

Quelles sont les grandes tendances de l’évolution du milieu marin dans le golfe?

Alors que la situation paraissait relativement stable jusqu’au début des années 1970, on observe depuis une dérive écologique dont les principales causes me paraissent être liées à cinq phénomènes principaux. La disparition des bancs d’huîtres plates due à un parasite, l’introduction d’espèces exotiques (crépidules, sargasses, spartines, palourdes du Pacifique, huîtres creuses du Pacifique, etc.), la régression des algues brunes sur les estrans rocheux où elles sont activement broutées par les patelles, l’apport excessif de nutriments (nitrates et phosphates) heureusement atténué par la force des courants enfin, les perturbations liées à la pêche à pied (atteinte aux herbiers de vasières, retournement des pierres, dérangement des oiseaux). Tout cela provoque un appauvrissement de la faune et de la flore, une uniformisation des estrans et des proliférations d’algues malvenues. 

Comment se fait-il que l’on trouve des espèces venues de l’océan Pacifique dans les eaux du golfe ?

Des importations en France, parfois massives et par avion, d’huîtres creuses (plus de 100 tonnes en 1971), à partir de la côte ouest du Canada et du Japon ont véhiculé, dans des conditions optimales, des œufs, des larves, des spores, des plantules d’animaux ou d’algues qui se sont installés et ont éventuellement proliféré dans le milieu d’accueil. Celui-ci n’est pas forcément le golfe, mais les multiples transferts d’huîtres de bassin à bassin (Thau, Arcachon, Charentes, etc.) ont assuré la dispersion des nouveaux venus un peu partout. 

Combien d’espèces avez-vous observées et quelles sont celles qui vous inspirent le plus d’inquiétude ? 

Le nombre d’espèces exotiques identifiées dans le Golfe s’élève à une soixantaine (des incertitudes subsistent sur l’identité de certaines d’entre elles). Ce qui m’inspire le plus d’inquiétude n’est pas tant une espèce particulière que l’impact de groupes d’espèces sur certains milieux. Je citerai les cuvettes et flaques des estrans rocheux, dont le fonctionnement est particulièrement perturbé par l’installation dense d’algues exotiques telles que la sargasse. Ceci peut sembler être un phénomène négligeable, mais ces milieux hébergent, par exemple, les jeunes crevettes à basse mer. En rendant ces cuvettes et flaques inhabitables, les algues exotiques peuvent gravement perturber le cycle vital de ces crustacés. Un phénomène du même type s’observe aussi à la limite des basses mers sur les estrans rocheux. 

Quelles sont vos recommandations ?

Restreindre la circulation des espèces vivantes tant au niveau international qu’au niveau national ou régional serait prendre le mal à la racine. Hormis les cas comme l’approvisionnement en naissains, il doit être possible d’optimiser les filières, notamment la filière ostréicole, au niveau de chaque bassin de production. Le principal bénéfice, non négligeable dans le contexte actuel, serait probablement d’ordre sanitaire ! 

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